Le LHC du Cern va faire peau neuve
Le grand collisionneur de particules, qui a permis la découverte du boson de Higgs, va entrer dans une longue phase de travaux pour être perfectionné. Le redémarrage est prévu au plus tôt fin 2014.
Le LHC, plus grand accélérateur de particules au monde qui a rendu possible la découverte du boson de Higgs l'été dernier, va être arrêté la semaine prochaine pour une durée de 20 mois afin d'effectuer des interventions techniques en vue de son perfectionnement. Nom de code de l'opération: «First Long Shutdown» (ou LS1). Sur la totalité de l'anneau de 27 kilomètres de long environ, les installations seront soumises à une vaste maintenance et à des modifications afin d'augmenter la performance de cette machine hors-norme.
«Avec chaque modification technique du LHC, les sciences avancent pas à pas dans une terra incognita», explique au Figaro Joachim Mnich, directeur du DESY, l'institut de recherche nucléaire allemand affilé au CERN. Cet appareil gigantesque permet aux scientifiques de projeter l'un contre l'autre des faisceaux de particules circulant à une vitesse énorme, proche de celle de la lumière. Ces collisions provoquent un feu d'artifices de particules souvent très éphémères, de type boson de Higgs. Plus le LHC devient performant, plus les chances de découvrir des particules inconnues, cette «terra incognita» évoquée par les physiciens, augmentent.
Décupler le nombre de collisions
Selon Joachim Mnich, les travaux vont notamment permettre d'accroître la précision et la vitesse des faisceaux de particules (que ce soit des protons ou des noyaux de plomb) et, ainsi, d'augmenter l'énergie des collisions. L'objectif est d'atteindre de nouveaux records et passer d'un fonctionnement de 8 TeV en 2012 à 14 TeV (un TeV représente mille milliards d'électronvolts*). Cela veut dire qu'en 2015, chaque particule sera soumis, lors d'une collision, à une force équivalente au poids de 14 mille protons!
Le deuxième objectif est d'augmenter par un facteur dix la «luminosité» du LHC, c'est-à-dire le nombre de particules contenues dans les faisceaux et donc le nombre de collisions par seconde. Ce changement va permettre de trouver plus de bosons de Higgs, une particule extrêmement rare. «En produisant plusieurs millions de collisions proton-proton par seconde, il n'y a qu'un seul boson de Higgs par minute. C'est beaucoup plus difficile que de chercher une aiguille dans une botte de foin. C'est pour ça que nous avons besoin d'augmenter la luminosité», précise Joachim Mnich.
De nouveaux aimants plus performants
Une attention particulière va être accordée aux «jonctions électriques entre les aimants (qui permettent d'accélérer et de guider le faisceau de particules, NDLR)», détaille Joachim Mnich du DESY. «C'est le point faible de l'installation qui a mené au grave accident de 2008 (un arc électrique avait endommagé les réservoirs contenant l'hélium nécessaire au refroidissement des aimants supraconducteurs, ce qui avait provoqué une violente explosion, NDLR)». Selon le directeur du CERN, Rolf Heuer, les 10.170 jonctions doivent être consolidées pour supporter les énergies de fonctionnement grandissantes de l'appareil.
Quelque 70 à 90 nouveaux aimants supraconducteurs supplémentaires et environ 3 kilomètres de nouvelles liaisons supraconductrices vont être installées. Une vingtaine d'aimants quadripôles supraconducteurs de nouvelle génération vont notamment être ajoutés pour ajuster les protons sur leur chemin d'accélération. Ces derniers sont fabriqués dans un alliage plus performant nécessitant moins d'énergie.
Objectif: atteindre la vitesse de la lumière
Les détecteurs des expériences ALICE, ATLAS, CMS ou TOTEM, disposés autour de l'accélérateur, ont aussi besoin d'être réparés ou modifiés. Les radiations émises lors des collisions peuvent avoir endommagé leur précision. Le manque de place dans le tunnel pourrait par ailleurs pousser les ingénieurs à déplacer certains éléments.
Toutes ces modifications devraient coûter plusieurs centaines de millions d'euros. C'est toutefois le prix à payer si les scientifiques veulent réussir à accélérer les faisceaux de particules dans le LHC à la vitesse de la lumière. Ils sont d'ailleurs très curieux de voir ce qui se passera lorsqu'ils auront doublé l'énergie de fonctionnement, sachant qu'ils ont déjà atteint aujourd'hui 99,9999991% de cette vitesse. Jamais aucun appareil n'a reproduit des conditions aussi extrêmes, proches de celles qui régnaient au moment du Big-Bang. Les physiciens espèrent ainsi découvrir des phénomènes encore inconnus.
* Un électronvolt (eV) représente à peu près l'énergie d'un grain de lumière, un photon. Les physiciens mesurent aussi la masse des particule en électronvolts (eV), masse et énergie étant liées par la célèbre formule d'Einstein, E=mc 2.
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