Apprendre l’allemand à 60 ans
Rien ne les prédestinait à se rencontrer et pourtant Marie-Thérèse, 64 ans, et Christian, 61 ans suivent ensemble des cours d’allemand donnés par une association, qui organise des échanges avec une ville bavaroise. Chaque mardi soir, ils ravivent la flamme de la langue allemande. C'est une histoire d'amour qui dure depuis plusieurs années. Mais la question que l’on se pose tout de suite est : pourquoi ? Qu’est-ce qui les a poussés à apprendre l’allemand ?
Cette assistante maternelle et ce chef d’entreprise à la retraite ont décidé de reprendre l’allemand, il y a quelques années déjà, par amour de la langue. On pourrait les appeler des « récidivistes » car ces deux-là connaissent l’allemand depuis le collège. C’est d’ailleurs à cette époque qu'ils ont été séduits. Pour Marie-Thérèse, le choix de l’allemand comme deuxième langue vivante fut imposé par l’Institution après avoir étudié l’anglais et le latin. Pourtant à la maison, « l’Allemagne était un pays banni car mon père avait été prisonnier de guerre là-bas ». C’était un amour interdit. Après son bac littéraire, elle a même voulu en faire son métier et devenir professeur d’allemand mais les aléas de la vie en ont décidé autrement. Christian, quant à lui, a commencé l’allemand en quatrième et l’a appris pendant deux ans, « l’allemand, c’est avant tout une langue qui me plait ». Il connait l’Allemagne à travers les jumelages mais surtout avec ses voyages en stop dans sa jeunesse.
Quand on les écoute, le voyage est un leitmotiv. S’ils apprennent l’allemand, c’est pour voyager. Marie-Thérèse s’imagine même sillonner le pays en camping-car. Pour eux deux, rien ne vaut le contact avec les Allemands afin de mieux maîtriser la langue et de connaitre le pays et ses habitants. Christian l’avoue « en France, on a des préjugés sur les “Bosch” », mais lui il n’adhère pas à cela. Il pense que l’apprentissage de la langue permet de supprimer les préjugés et de penser à l’avenir. « Mes voyages m’ont permis de faire évoluer ma vision de l’Allemagne. Mais je ne suis pas pour autant complètement admiratif des Allemands. Il y a des comportements qu’on peut accepter, d’autres pas ». Marie-Thérèse, elle aussi, sait que tout n’est pas idyllique en Allemagne, et que ce pays a aussi des défauts : « Le pays est souvent considéré comme un modèle mais il y a aussi des problèmes là-bas ». Cette relation amoureuse avec l’Allemagne leur apporte une « sensibilité plus forte que la moyenne des Français » pour certains sujets d’actualité, qui concernent leurs voisins allemands.
"Quelque chose de naturel, qui doit être développé"
A l’heure où l’on parle d’amitié franco-allemande, tous deux y voient des symboles. Pour Marie-Thérèse, cette amitié s’illustre par deux images, celle de deux hommes main dans la main à Verdun en 1984, François Mitterrand et Helmut Kohl, et celle de la chute du mur de Berlin qui l’a beaucoup marquée : « à l’époque je ne me suis pas rendue compte de l’impact futur de cet événement ». Christian, lui, prend la question plutôt sur le ton de la rigolade. Sa réponse : « Adenauer » avec l’accent allemand. Plus sérieusement, cette amitié est pour lui « quelque chose de naturel, qui doit être développé. Par exemple, la Bavière s’apparente pour moi à une province française. J’ai en quelque sorte fusionné les deux pays ». Il n’a qu’un seul regret : les jeunes Français et Allemands d’aujourd’hui ne s’intéressent pas assez à la langue du voisin. S’il devait convaincre un jeune Français d’apprendre l’allemand, il lui dirait sûrement que pour trouver du travail, la connaissance de la langue allemande est un atout. C’est pour cela qu’il a encouragé ses propres enfants à l’apprendre. Il est convaincu que les échanges économiques entre les deux pays sont plus forts et sont amenés à se développer. Marie-Thérèse, quant à elle, veut dire aux jeunes que « l’apprentissage de l’allemand n’est pas dur ».
La langue s’impose à nous
Finalement, apprendre l’allemand, ce n’est pas forcément avoir un coup de foudre pour la langue mais cela va au-delà. C’est une relation qui se construit jours après jours et qui s’entretient. Mais c’est aussi une question de volonté, comme celle de se battre pour ce qu’on aime. A la lueur de la discussion, il semble de plus en plus clair qu’on ne décide pas par hasard d’apprendre ou de réapprendre l’allemand. La langue s’impose à nous et on n’y peut rien. Comme en amour, on ne parvient pas toujours à expliquer ses sentiments de manière rationnelle, mais une chose est sûre c'est un amour sincère et durable.
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